#1 - Gilles Reinhardt - Bocuse - "Nous sommes les gardiens du temple"

Podcast "À travers l'hexagone"

Gilles Reinhardt

L’excellence à la française

Chef exécutif de la Maison Paul Bocuse, Meilleur Ouvrier de France (2004), Gilles Reinhardt incarne l’excellence de la gastronomie française. Fidèle à l’esprit de Monsieur Paul, il perpétue avec passion l’héritage culinaire tout en insufflant une touche contemporaine à la tradition, aux commandes de la légendaire maison à Collonges-au-Mont-d’Or. Il collabore aujourd’hui avec des acteurs de l’art de vivre à la française.

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Transcription

Laurent
Je me trouve actuellement dans un cadre intimiste. Autour de moi, des boiseries d'un vert profond, des statues de Labrador qui semblent monter la garde, un papier peint au motif sépia, des rideaux d'une grande élégance, des appliques murales dorées, un lustre entre tradition et modernité. Au sol, un magnifique parquet. Je suis assis sur le côté d'une longue table, soigneusement disposée. C'est une ambiance apaisante et chargée en histoire. Le ressenti est incroyable. Ce cadre intime est un salon qui évoque l'amour de la nature et de la chasse. De nombreux cadres photos en noir et blanc avec un homme, Paul Bocuse. Je me trouve dans le salon Paul Bocuse, qui a été créé en hommage à la passion de M. Paul, qui possédait, et qui est encore dans la famille aujourd'hui, un domaine de chasse dans les Dombes. Quel honneur de lancer ce À travers l'Hexagone avec mon premier invité, le chef Gilles Reinhardt. Bonjour Gilles.

Gilles Reinhardt
Bonjour Laurent, bienvenue à Collonges.

Laurent
Merci d'avoir accepté mon invitation. Nous sommes donc, comme tu l'as dit, à l'auberge du pont de Collonges, à Collonges-aux-Monts-d'Or, au nord de Lyon.

Gilles Reinhardt
Exactement, c'est la maison de famille, c'est là où Paul Bocuse est né, et il est décédé dans cette même maison, donc c'est un lieu chargé d'histoire. et un petit village qui est connu à travers le monde entier parce que M. Paul, sur une carte, a su pointer du doigt où était situé ce petit village où il a grandi, où il pêchait en bord de Saône. Et surtout, imaginez cette belle histoire qui dure à travers toutes ces années. Et aujourd'hui, on est là pour continuer à... à être aussi fort qu'il l'a été pendant toutes ces années et continuer ce travail en toute modestie.

Laurent
Comment est-ce qu'on doit t'appeler ? Chef Gilles Reinhardt, Chef Reinhardt, Chef ou Gilles ?

Gilles Reinhardt
Après, ça dépend. Les derniers arrivés, ils m'appellent Chef. Après, ceux qui ont quelques années, ils m'appellent Chef Reinhardt. Et puis après, la garde rapprochée, c'est Chef Gilles.

Laurent
Est-ce que je peux t'appeler aussi le comte de Couzon ?

Gilles Reinhardt
Ah bah ça, c'est toi. Non, il n'y avait que M. Paul qui m'appelait le comte de Couzon. Voilà, pour la petite histoire, parce que j'ai une petite propriété qui est juste à côté de Collonges, et puis ça appartenait à un ami intime de M. Paul. Et donc voilà, pour me charrier, il m'a appelé comme ça à un moment.

Laurent
Alors, avant d'être le comte de Couzon, tu as été un enfant de la campagne. Tu es né le 21 mars 1975 dans un petit village rural dans le Haut-Rhin. Tes parents étaient ouvriers dans le domaine de la papeterie. Ton papa était chauffeur-livreur, ta maman sur les lignes de production. Et nous avons un point en commun, Gilles, tu es fils unique. Je voulais savoir comment tu l'avais vécu jeune et après. Est-ce que ça a été un moment difficile pour toi, une faiblesse ou une force au fur et à mesure ?

Gilles Reinhardt
Non, ça a été... En fait, voilà... Mes parents, comme tu l'as bien décrit, étaient ouvriers. Donc ce n'était pas des grosses situations. Mais en fait, j'ai grandi dans ce milieu en étant heureux. Je n'ai jamais manqué de quoi que ce soit. Mes parents se sont toujours sacrifiés. Et je les en remercie. Et aujourd'hui, dès que je peux leur faire plaisir, je le fais. Mais voilà, ça a été une enfance... Une enfance avec des copains, ce n'était pas forcément toujours... Je n'étais pas le premier à l'école. Uniquement quand j'ai décidé d'aller à l'école hôtelière. Parce qu'avant, je ne savais pas pourquoi travailler. Et du coup, quand j'avais trouvé ma voie, c'est quelque chose qui... Depuis l'âge de 6 ans, je voulais être cuisinier. Mais bon... Après, tu es obligé quand même de faire un cursus scolaire. Et en fait, quand j'ai intégré l'école hôtelière, en fait, ça a été complètement…

Laurent
À Strasbourg.

Gilles Reinhardt
À Strasbourg. J'ai complètement les changés parce que j'avais un objectif et un but.

Laurent
Il existe une photo de famille où on te voit, toque sur la tête, t'habillé de chef. Tu avais environ 4 ans. C'est ta maman qui t'avait cousu cet ensemble. Est-ce qu'à ce moment précis, tu sais que tu seras dans la cuisine, voire un grand chef ?

Gilles Reinhardt
Oui, parce que c'est difficile de dire, mais c'était quelque chose qui me tenait à cœur. Parce que déjà, j'avais la chance de bien manger à la maison. Ma maman était très bonne cuisinière. Et moi, j'aimais toujours quand il y a du monde à la maison. Donc, je lui lançais toujours des invitations à la vie du monde. Et après, j'étais toujours dans les jupes de ma mère. Et puis, on faisait la cuisine ensemble. Et puis, j'avais un intérêt. J'adorais ça.

Laurent
Donc, c'est vraiment le plaisir d'accueillir par tes parents les activités.

Gilles Reinhardt
Voilà, le partage, la convivialité. Et après, la bonne cuisine. Et puis, surtout, montrer de quoi on est capable. Parce que c'est des métiers manuels. Et voilà, c'est comme ça que l'histoire a commencé.

Laurent
Alors comme tu l'évoquais, tu as commencé à l'école hôtelière de Strasbourg. À ce moment-là, tu es clairement dans ton élément. Tu vois du beau monde, des beaux lieux. Tu sens au fond de toi que tu aimes les belles choses.

Gilles Reinhardt
Ça en fait, j'ai envie de dire, c'est un peu un problème. Parce que quand on commence à voir et à côtoyer de belles choses, c'est difficile de faire entre guillemets marche arrière. Après, ce qu'il faut justement, c'est surtout savoir d'où on vient. ne pas se prendre au sérieux aussi, comme il disait si bien M. Paul.

Laurent
Rester ancré dans le réel.

Gilles Reinhardt
Oui, exactement. Et puis, d'ailleurs, je remercie M. Paul parce que mes parents m'ont éduqué. Mais après, moi, je suis parti à l'âge de 20 ans de la maison. Et après, j'avais, entre guillemets, un deuxième papa qui était M. Paul et qui savait toujours nous remettre dans le droit chemin dès qu'on avait tendance un peu à s'enflammer.

Laurent
Est-ce que le beau et le bon, à ce moment-là, ça voulait dire pour toi déjà trois étoiles ?

Gilles Reinhardt
Ça voulait surtout dire excellence. Et je savais où je voulais aller. Et pour moi, la plus belle... Alors bon, parfois, les planètes, elles s'alignent. Mais en fait, quand je suis sorti de l'école hôtelière, j'avais écrit à... tous les étoiles et Michelin, tous les trois étoiles et M. Paul a été un des premiers à me répondre. Et donc du coup, l'aventure elle a commencé, elle a vraiment commencé ici.

Laurent
Du coup, en novembre 95, tu as 20 ans comme tu le disais, et tu te retrouves à Collonges, donc là où nous sommes aujourd'hui, au nord de la capitale mondiale de la gastronomie, Lyon. Comment c'est possible de passer directement de chez toi à Collonges ?

Gilles Reinhardt
Le choc, il est... C'est un gros... C'est un électrochoc. parce qu'on quitte papa-maman, on prend sa voiture, on part à 500-400 kilomètres, c'est la première fois. On arrive devant une maison qui est juste incroyable, qu'on a vue à travers des magazines. On rentre en cuisine, on est pétrifié. Il y a Roger Jaloux, le chef de cuisine, il y a Monsieur Paul. enfin voilà c'est si on passe c'est le condensé de de l'élite et de la pression c'est exactement c'est très bien résumé et là il faut là la première question c'est est-ce que je vais être à la hauteur est-ce que je vais rester

Laurent
Est-ce que tu as eu une réponse même aujourd'hui à cette question ?

Gilles Reinhardt
Parce que tu te la poses tout le temps. Après 30 ans, je pense qu'on a la réponse. Mais c'est vrai que rien n'était calculé à la base. Et en fait, tout s'est fait, j'ai envie de dire, naturellement. Alors attention avec des hauts et des bas. Aujourd'hui, on en est là. Il y avait également d'autres prétendants, mais on s'est accrochés. Je compare ça souvent à nos jeunes quand ils arrivent à l'échelle d'un poulailler. Plus on monte, plus c'est dur de tenir, et puis moins les places sont là.

Laurent
Bien sûr.

Gilles Reinhardt
Donc il a fallu travailler.

Laurent
Alors justement, tu tiens une cadence folle quand tu arrives ici. J'ai lu que certains n'étaient pas plusieurs mois, voire un an. Toi, tu tiens deux ans. Puis tu quittes Bocuse, tu vis une nouvelle aventure dans le restaurant de Gérard Boyer.

Gilles Reinhardt
Oui.

Laurent
Puis tu quittes ce restaurant et Roger Jaloux t'appelle.

Gilles Reinhardt
Oui.

Laurent
Et en 2000, tu reviens chez Bocuse.

Gilles Reinhardt
Oui. Ah ouais, ça a été quand je suis parti d'ici. Alors bon, déjà avant, les cuisiniers faisaient un an. Pourquoi ils faisaient un an ? C'était juste pour avoir un certificat de travail, un diplôme.

Laurent
Une ligne sur le CV.

Gilles Reinhardt
Parce que c'était très intense, les rites de travail, les conditions de l'époque, il ne faut pas se cacher. Et quand je suis parti d'ici, j'ai dit, c'était super, mais par contre, je ne pourrais plus revenir, c'était trop dur. Et donc, je pars chez Gérard Boyer, où là, ça se passe à merveille, parce qu'on travaille déjà en équipe. Mon travail s'est fermé à Noël, Nouvel An. Voilà, en fait, c'était un précurseur. Il avait 20 ans, 30 ans d'avance, Gérard Boyer, à l'époque. Et là, je travaille et je me dis, je suis trop dans le confort.

Laurent
Je ne peux pas. C'était des très belles conditions.

Gilles Reinhardt
Trop bonnes conditions pour l'âge que j'avais. J'ai dit, si je reste, je ne vais plus avancer. Et là... Avant je te parlais d'alignement des planètes, il y a Roger Jalloux qui m'appelle parce que je donnais quand même des nouvelles de temps en temps. Pour les Noëls, je les appelais, je leur souhaitais Joyeux Noël, Bonne Année, enfin voilà. Et il m'appelle, il me dit, ouais t'en es où, qu'est-ce que tu fais ? Ben là je vais finir mon année et puis je pense que je vais partir l'année prochaine et voilà, je ne sais pas encore ce que je veux faire. Et là Roger Jalloux il me dit, ah ben j'ai peut-être une bonne place pour toi. Et là, je me dis, j'espère juste qu'il ne me dit pas, reviens à Collonges. Je prends ma voiture, je descends sur Collonges. On a un entretien avec M. Paul. Et là, il me dit, écoute, je te propose, Roger va partir dans quelques temps à la retraite. Voilà, on cherche quelqu'un. On aimerait bien que tu reviennes. On a un très bon souvenir de toi à l'époque. Et là... Oh...

Laurent
C'est un réservoir d'estime qui fait du bien.

Gilles Reinhardt
Voilà, c'est déjà super. Et là, pour la première fois, je pose des conditions. Et là, j'estime être en position de force parce que c'est eux qui viennent me chercher.

Laurent
Tout à fait.

Gilles Reinhardt
Et là, je dis, Monsieur Paul, écoutez, il n'y a pas de souci. Moi, c'est le mof. Depuis l'âge de 8-9 ans, j'avais vu à l'époque une émission. A l'époque, c'était Jacques Martin. Il avait invité des cuisiniers, des pâtissiers, et ils avaient tous une colerette. Et je me suis interrogé pourquoi ils avaient cette colerette. Et on m'a expliqué. Et j'ai dit, un jour, je veux la même colerette. Et du coup, je lui explique cette histoire. Il me dit, écoute, on va t'aider. On fera ce qu'il faut. Mais après, nous, on ne peut pas tout faire. Ça sera aussi à toi d'être bon. Et voilà, c'est comme ça que l'aventure recommence. Je dis à ma femme, allez, on revient aux sources, on part à Lyon. Et voilà, l'histoire est belle.

Laurent
Alors à un moment, Paul Bocuse te dit et dit aux équipes, tu es le pool leader de la cuisine.

Gilles Reinhardt
Oui.

Laurent
À ce moment-là, tu le prends. Alors ça,

Gilles Reinhardt
ce n'était pas spécialement un compliment parce que pour m'entraîner, je fais le Tétinger où je fais deuxième international et premier concours. Et je dis bon, je vais essayer de faire mieux. Je fais le Coq Saint-Honoré, pareil, deuxième international. Donc après, c'est des bons...

Laurent
C'est challengeant.

Gilles Reinhardt
Voilà. Je me dis aujourd'hui avec du recul, je suis allé au MOF, je l'ai eu du premier coup.

Laurent
En 2004 ?

Gilles Reinhardt
En 2004. Et voilà. Peut-être que j'aurais pris trop de confiance, ça ne l'aurait pas fait la première fois. Donc, c'était un bon entraînement.

Laurent
Fin 2017, tu es nommé par M. Paul chef exécutif. Paul Bocuse. Et le 20 janvier 2018, décès de Paul Bocuse. C'est un choc et c'est aussi un tournant.

Gilles Reinhardt
C'est un choc. Tu vois, ça me donne carrément des frissons qu'on en parlait. C'est un choc parce qu'on a plus de repères. On a plus de repères. Lui qui était là, le taulier, le boss. D'ailleurs, quand on parle de lui, on appelle toujours encore le boss. C'est comme s'il était là. On est perdu parce qu'il n'est plus là aussi pour nous protéger. Et il y a une remise en question. Et avec Olivier, on se met autour d'une table et on échange avec Vincent également, la famille. Et on se dit, maintenant ça y est. le jour la période tant redoutée est arrivée maintenant faut faut y aller et on se met autour d'une table et on on échange et on se dit bon ben on n'a pas le choix et ça sera dorénavant la tradition au mouvement le nouveau souffle qu'on veut qu'on veut donner à à la maison remotiver les équipes et Et depuis ce jour-là, on avance.

Laurent
Et depuis ce jour-là, tu te considères comme le gardien du temple, le garant de la philosophie baucusienne.

Gilles Reinhardt
Alors voilà, encore une fois, c'est en toute modestie, parce qu'on a eu au décès de M. Paul tellement de personnes qui sont prétendues être... Voilà, qui le connaissaient tellement bien, mais en fait, voilà. Nous, on avait la chance d'être avec lui tous les jours, de le côtoyer, de partager les repas du dimanche avec lui. Donc ça, ça a été dur d'entendre des personnes qui se mettaient en avant justement par rapport à M. Paul juste pour exister. Aujourd'hui, quand on parle, on sait ce qu'il aurait aimé. On connaît des histoires, on a partagé des choses fabuleuses avec lui.

Laurent
La brigade aujourd'hui c'est combien de personnes ?

Gilles Reinhardt
Aujourd'hui c'est un équipage de 80 personnes, une brigade de 40 avec la pâtisserie. Et oui ça fait du monde, un bateau qui avance très vite, mais aussi avec une vitesse de croisière limitée à 80 personnes, ce qu'on n'avait pas à l'époque. Parce que le travail engagé dans les assiettes est différent. Il y a plus de travail. On a la pâtisserie où Benoît Charvet et Frédéric Truchot ont fait également un énorme bond en avant. Donc il a fallu bousculer aussi des codes.

Laurent
Ça, ça a été une évolution justement à partir de 2018.

Gilles Reinhardt
La pâtisserie, ça a été une révolution.

Laurent
Une révolution.

Gilles Reinhardt
Une révolution parce qu'on a commencé par là, à dire bon on va casser un peu les codes. Et on s'est dit que c'était beaucoup plus facile de commencer par la pâtisserie et puis après d'aller vers la cuisine. Et avoir ce curseur de voir comment les gens y réagissent aussi. Parce que la maison, il y a une ADN qu'on ne peut pas trahir. On n'est pas là non plus pour tout modifier. Les gens viennent à Collonges, savent. Pourquoi ils viennent à Collonges ? Comme il disait M. Paul, c'est une cuisine avec des os et des arêtes. Nous, ce n'est pas une cuisine déstructurée. Mais à côté de ça, il faut aussi faire une cuisine en phase du temps. Il nous le disait souvent, il me dit, quand je ne serai plus là, vous ferez ce que vous voulez et vous trouverez ce qui est en plus en adéquation avec le temps.

Laurent
Justement, où se trouve la limite ? pour faire évoluer la maison Bocuse sans la trahir ? Et comment garder l'âme du restaurant et de tout l'univers Bocuse intacte, malgré les nouvelles tendances gastronomiques, sans aller sur la cuisine moléculaire ?

Gilles Reinhardt
Aujourd'hui, la cuisine moléculaire, on voit où l'on est. Les modes, c'est actuel et c'est un cycle. Ça passe. Monsieur Paul, là-dessus, il a toujours été. était droit dans ses bottes et il a dit qu'il n'a jamais changé de cap. Il a toujours voulu faire cette « cuisine bourgeoise » classique. Mais aujourd'hui, les gens veulent aussi voir un peu autre chose et voir de quoi on est capable. Donc on a axé ça sur des grands classiques de la maison. Et puis après, on a créé des plats où Olivier joue un rôle aussi important dans Olivier Couvain, qui est MOF 2015 dans l'entreprise, parce qu'il est en charge aussi du développement un peu des cartes. Et lui, c'est pareil, c'est un disciple qui est là depuis plus de 20 ans. Et il a partagé aussi avec moi et avec Vincent Leroux, Françoise, sa table. Et on sait... Comme on les faisait à manger tous les jours, on sait ce qu'il aurait aimé et pas aimé. Donc chaque plat qui est réalisé, on se pose la question.

Laurent
Est-ce que c'est le baromètre encore ?

Gilles Reinhardt
C'est toujours le baromètre. Est-ce que ça, il aurait aimé ? Est-ce qu'il n'aurait pas aimé ? Non, là, on y est allé trop loin. Donc nous, une fois de plus, il nous a quittés en 2018, mais il est toujours et il sera toujours présent. par rapport aux photos, par rapport au statut. Voilà, et on a une très belle...

Laurent
Il est chez lui.

Gilles Reinhardt
Il est chez lui, on est chez lui. Et ce qui est beau, c'est que quand les gens franchissent la porte d'entrée, ils disent « Ah ben, on sent cette âme, on sent qu'il y a quelque chose qui se passe » . Donc pour nous, c'est le plus beau cadeau d'avoir choyé ce bébé et de continuer à le...

Laurent
On ne pourra jamais délocaliser Collonges.

Gilles Reinhardt
Non. Jamais, jamais. Et à un moment, on s'est posé la question, justement, à travers, on a des ouvertures là à Abu Dhabi qui va se faire, on allait faire un gastro, et on s'est dit, ben non, en fait, Collonges, c'est à Lyon, c'est en France, s'ils veulent avoir de l'expérience, ils viennent à Collonges.

Laurent
Alors, tu n'as jamais voulu avoir ton propre restaurant, Gilles ?

Gilles Reinhardt
À un moment, on peut se poser la question, mais après, c'est un... Là, c'est pareil, c'est un état d'esprit. C'est travailler pour un nom. Il faut juste l'accepter. Nous, aujourd'hui...

Laurent
C'est un texte d'humilité aussi.

Gilles Reinhardt
Oui. Je ne sais pas si c'est... Non, ce n'est pas forcément de l'humilité. C'est des choix. S'il y en a, ça leur fait plaisir d'avoir leur nom sur le restaurant. Moi, je ne vois pas de problème à travailler pour quelqu'un, pour une marque. C'est vraiment après une réflexion assez personnelle.

Laurent
La maison Paul Bocuse a fêté ses 100 ans en 2024. Est-ce qu'on est reparti sur encore un siècle ?

Gilles Reinhardt
Les 100 premières années ne se sont pas trop mal passées, on va dire. Et comme je dis, on est prêt pour les 100 prochaines années. On a un établissement qui a été refait de fond en comble.

Laurent
Magnifique.

Gilles Reinhardt
Comme on dit, le bébé est intact, n'a pas pris une ride. Et c'est à nous. C'est nous qui sommes là pour faire continuer et vivre cette histoire. Alors nous, quand je dis nous, c'est un équipage parce qu'on a juste des équipes qui sont formidables. Et sans les équipes, On sait qu'on ne fait rien. Bien sûr. Et voilà, c'est pour ça que nous, on est en première ligne. Alors aussi bien on prend les compliments comme les remarques, mais il ne faut pas oublier qu'on a une équipe formidable. Et comme il disait souvent M. Paul, il avait fait à l'époque un grand poster. Il avait marqué « L'équipe fait la force, Bocuse fait la soupe » .

Laurent
Excellent. Alors, Bocuse, ça peut sonner luxe, un peu guindé. Et bien au contraire, quand j'ai rencontré les équipes, quand on s'est rencontrés, quand tu es venu à moi, on en parlera après, j'ai tout de suite senti de la simplicité, de l'authenticité, de l'excellence, mais accessible, toujours accessible.

Gilles Reinhardt
Mais ça, ça me fait bouillir quand tu dis ça, parce que c'est des gens certainement qui n'ont jamais... qui sont jamais venus manger au restaurant et qui ont jamais connu M. Paul. Alors, ils sont pas venus au restaurant... J'ai pas envie de dire que... Quand ils viennent manger, c'est cher. J'ai envie de dire que c'est onéreux. Mais M. Paul était quelqu'un d'extrêmement simple. Extrêmement simple. Il est... Il dormait ici. Il aurait pu avoir une villa, quelque chose de dingue. C'était quelqu'un.

Laurent
Il est resté au centre de lui-même.

Gilles Reinhardt
Il est resté au centre. Lui, ce qu'il aimait, c'était accueillir les gens, l'après-midi faire son break, aller à la chasse, se retrouver dans son petit cabanon, contempler la nature, chasser. Voilà, ça, c'était M. Paul. Mais il a vu les plus belles choses du monde. Il a fait le tour du monde plusieurs fois. Il était reçu dans des lieux toujours magiques, magnifiques. Et il a toujours su rester simple. Et c'est ça qui est génial. Et on a des anecdotes, tu vois. Il était toujours habillé de la même façon, sans pantalon noir, ses mocassins. Et je pense à... quelque chose de... J'avais été un jour faire un repas avec lui et on s'est arrêté sur l'autoroute, il pleuvait et il me dit on prend l'essence avec la voiture, il me dit va me chercher va me chercher des gâteaux. Je dis mais vous venez pas ? Bah non, je peux pas sortir, je t'expliquerai. Donc j'allais chercher des gâteaux parce qu'on était pressé. Mon allant-tien, je lui dis mais M. Paul, pourquoi vous êtes pas ? Vous êtes pas sorti ? Il me retourne sa chaussure. Il avait un trou dans sa chaussure. Donc, tu vois, c'est en fait toute la simplicité du personnage.

Laurent
La simplicité et la force d'une certaine manière.

Gilles Reinhardt
Et la force d'une certaine manière. Parce qu'il avait... Quand on voit aujourd'hui l'Empire qu'il a développé, c'est juste... C'est un conte de fées. C'est unique. Et aujourd'hui, derrière, il y a Jérôme Bocuse qui continue à donner l'impulsion et à... à vouloir complètement développer des restaurants, des concepts, des collections.

Laurent
C'est vraiment honorer un héritage.

Gilles Reinhardt
Exactement. Il est là pour continuer à préserver surtout cette marque, qui aujourd'hui est une marque.

Laurent
Alors, la gastronomie, c'est la France. Paul Bocuse, c'est la France. Et pour toi, c'est quoi la France ?

Gilles Reinhardt
La France... C'est la gastronomie, c'est les produits. Et on s'en aperçoit surtout quand on voyage. Alors on voit des choses magnifiques, mais on est souvent parfois contraint par des matières premières. Et là on s'aperçoit qu'on a un garde-manger... En France, qui est juste unique avec la crème, le beurre, les volailles. Et on n'a pas besoin d'aller bien loin. On a la Bresse qui n'est pas loin. On a la chasse, on a les étangs. Donc, on est vraiment bien lotis. Et on comprend quand les étrangers viennent ou parfois pourquoi ils font 10 heures d'avion. Et c'est ça aussi. Mes amis qui sont des expats, j'ai envie de comparer ça un peu aux saisons. Ils me disent, moi ce qui me manque le plus à l'étranger, c'est les saisons. Et pour nous cuisiner, c'est un peu ça, c'est certains produits. Alors attention, il y a des produits magnifiques dans tout, mais on est quand même, la France reste quand même le centre, c'est un énorme vivier, un énorme garde-manger.

Laurent
Et l'excellence à la française alors ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Gilles Reinhardt
L'excellence à la française, pour moi, ça passe par les bons produits, mais surtout par un savoir-faire. Et ce savoir-faire, il faut le faire savoir et surtout le faire faire. Aujourd'hui, on est là dans un modèle aussi qu'on n'a pas abordé, c'est la transmission. Monsieur Paul était toujours là pour transmettre. D'ailleurs, on l'a vu quand... Il nous a laissé le bébé petit à petit.

Laurent
On ne peut pas garder un savoir.

Gilles Reinhardt
Non, parce qu'on se met en danger. On se met en danger personnellement. On met en danger la France. Et c'est surtout ce savoir-faire qu'il faut garder. Regarde, aujourd'hui, on est sur un modèle complètement différent. Notre-Dame. Notre-Dame qui a brûlé, s'il n'y avait pas eu les compagnons, s'il n'y avait pas eu cette transmission, il n'y a rien. On s'appauvrit. Donc ça, c'est quelque chose qui est fondamental à la maison. Aujourd'hui, on a cinq apprentis, c'est de transmettre et donner.

Laurent
Quand on vient déjeuner ou dîner à l'auberge, pour de nombreuses personnes, il faut mettre de côté pendant plusieurs mois parce que ça reste aussi un budget. Est-ce que ce n'est pas une sacrée pression pour toi, pour les équipes, de se dire qu'il y a des gens qui misent sur ce moment qui peut être plus qu'unique ?

Gilles Reinhardt
Ce n'est pas une pression, c'est un honneur. Et cette force qu'on a au restaurant, c'est qu'on a des riches. Des ultra-riches, mais aussi des gens simples.

Gilles Reinhardt
Et nous, on ne fait aucune différence. Nous, on a autant de plaisir à faire, voire même plus de plaisir à faire, justement, comme tu disais, à des gens qui ont économisé. Et on fait tout pour les recevoir, les mettre à l'aise.

Laurent
Être accessible.

Gilles Reinhardt
Accessible, une petite photo en cuisine, une petite visite de cave. Voilà, et c'est aussi pour ça qu'on fait ce métier. Nous, notre métier, c'est... On est des marchands de bonheur.

Laurent
Et la création, l'ouverture des brasseries, des restaurants en plus de l'auberge, c'était aussi une volonté de rendre accessible l'excellence ?

Gilles Reinhardt
Bien sûr, bien sûr. M. Paul voulait rendre accessible son savoir-faire, faire connaître sa cuisine. Et c'est pour ça qu'au début... Ça a été au début des années 80, il a commencé à lancer les brasseries pour justement donner l'opportunité aux gens de partager un poulet broche, des frites maison, une petite salade César.

Laurent
Mais français.

Gilles Reinhardt
Mais français.

Laurent
Comment tu vois l'avenir de la gastronomie française aujourd'hui dans un monde qui tend de plus en plus à la simplification, à la rapidité ? J'ai vu que tu avais été présent avec le chef couvain. un rassemblement de street food ?

Gilles Reinhardt
Bien sûr. Bien sûr, aujourd'hui, il faut... Oui, on est très bon. Oui, on aime manger. Mais il y a les autres pays qui sont là aussi derrière, qui continuent à se développer. Les gens voyagent de plus en plus. Donc, ils ont aussi plus... Avant, il n'y avait pas les réseaux sociaux. Les gens restaient un peu cantonnés. Donc, ils n'avaient pas cette vision sur le monde. De nos jours, tout va vite.

Gilles Reinhardt
Aujourd'hui, il y a le choix. Il y a le choix. Le mouvement. Donc, il ne faut pas dire... Il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers.

Laurent
Est-ce que le chef Gilles Reynard a un style culinaire propre à lui ?

Gilles Reinhardt
Non, parce que sinon... C'est une question, là tu veux me piéger.

Laurent
Non.

Gilles Reinhardt
Mais un style culinaire, on a une feuille de route.

Laurent
Oui.

Gilles Reinhardt
Mon style culinaire, ce sera une cuisine classique et bourgeoise. Je ne sais pas faire de la cuisine moléculaire. Je n'ai pas de problème avec ça, de dire je ne sais pas faire. Parce que ce n'est pas moi, ce n'est pas mon identité, ce n'est pas ma formation. Mais aujourd'hui... Mon style culinaire, s'il faut que je te donne un mot, c'est surtout se faire plaisir. Une bonne cuisine, c'est un bon produit, un bon assaisonnement, une juste cuisson.

Laurent
Donc une bonne dégustation.

Gilles Reinhardt
Une bonne dégustation et il faut faire une cuisine surtout de cœur.

Laurent
Et au-delà du plaisir du palais ? Tu mets le plaisir dans la préparation, évidemment.

Gilles Reinhardt
Bien sûr, bien sûr, nos équipes sont là le matin, tôt. Enfin, tôt, ça dépend pour qui, mais on est là pour préparer les choses. Et ça commence dès le matin et ça se finit à 15h. Et le soir, on remet ça. En fait, on monte sur scène. Nous, c'est une pièce de théâtre, on la joue deux fois par jour.

Laurent
Est-ce que c'est la même deux fois par jour ?

Gilles Reinhardt
Non. C'est ça justement qui est excitant dans ce métier. On n'est pas comme à l'usine, à la chaîne, à faire toujours les mêmes gestes. Chaque service est différent. Les clients arrivent de façon différente. Soit ils arrivent tous en même temps, donc c'est un service un peu plus rythmé. Soit ils arrivent en décalé, c'est un peu plus cool, entre guillemets. Mais les personnes sont différentes, l'échange est différent. C'est ça qui nous anime au quotidien.

Laurent
En intéressant les médias à la gastronomie, Paul Bocuse a, je cite, « sorti la cuisine des cuisines » . Quels sont les rapports aux médias ? Quel est ton rapport aux médias, aux digitales aujourd'hui ? Même pour le vaisseau, Bocuse. Par exemple, j'ai entendu dire que tu étais anti-réseaux sociaux avant. c'est vrai et aujourd'hui il me semble aux dernières nouvelles tu as plus de 115 000, 118 000 personnes qui te suivent c'est vrai c'est quelque chose où je voulais un peu je voulais faire barrage parce qu'il y a à boire et à manger sur les réseaux sociaux et voilà c'était pas notre axe de communication c'était pas non plus notre philosophie mais comme quoi faut s'ouvrir et puis aussi écouter Qu'est-ce qui a fait qu'il y ait eu ce tournant aussi sur ce domaine-là ?

Gilles Reinhardt
Eh bien, ce tournant, ça a été que M. Paul n'est plus là. Il a fallu aussi mettre des visages sur Gilles, sur Olivier.

Laurent
Incarner la marque.

Gilles Reinhardt
Donner du dynamisme. Voilà, c'est ça l'impulsion. Et ça passe. Aujourd'hui, on se rend compte avec les réseaux sociaux.

Laurent
C'est inévitable.

Gilles Reinhardt
C'est inévitable et tout va très vite. On partage ça aux quatre coins du monde.

Laurent
Mais toujours avec cette limite de se dire, il faut se mettre des limites, incarner.

Gilles Reinhardt
Il faut se mettre des limites, il faut aussi montrer ce qu'on fait au restaurant. Il y a des gens qui avaient cette image un peu désuète, une cuisine vieillissante. Non, aujourd'hui, il faut leur montrer qu'on sait faire aussi autre chose. Et c'était très important qu'on soit sur les réseaux et on le voit. Parce que moi, ça fait deux ans que je me suis mis. Voilà, j'ai pris... Il y a plein de gens qui me suivent et c'est top. Donc, il y a un vrai intérêt.

Laurent
Et tu as toute une équipe des personnes qui gèrent ta communication parce que je la suis depuis plusieurs mois et ça passe quand même plusieurs fois.

Gilles Reinhardt
Non, la communication, c'est... Voilà, c'est personnel. Je n'ai pas besoin d'une équipe de marketing, une équipe qui me guide. Moi, je veux faire... Comme je dis souvent, on fait une cuisine d'instinct et d'instant. Donc si j'ai envie de partager quelque chose sur le fait, voilà, je n'ai pas envie que ce soit du fake, je veux que ce soit vraiment au plus proche de la réalité.

Laurent
Tu ressens les choses et au fur et à mesure tu l'envoies.

Gilles Reinhardt
Exactement, c'est une question de feeling.

Laurent
Est-ce que tu peux me donner des exemples de collaborations que tu as faites jusqu'ici ou que Bocuse a fait ?

Gilles Reinhardt
Là, on vient de faire une collab avec les Casseroles. Justement, pour amener aussi du Bocuse à la maison, travailler avec des beaux matériaux. On a travaillé sur l'ergonomie et une très belle collaboration qui me tient à cœur, c'est les fameux bras zéro hexagones.

Laurent
La transition est parfaite.

Gilles Reinhardt
Une très belle collection et on est très fiers et honorés de pouvoir travailler avec vous. Parce que c'est une histoire, encore une fois, c'est une histoire d'homme. On s'est rencontrés comme ça au détour d'un gala. Et ça a matché tout de suite. Et c'est ça aussi que M. Paul aurait aimé. Des opportunités, des rencontres. Et l'histoire, c'est que vous êtes juste à côté de Lyon. Une petite équipe, une... Une entreprise qui démarre. Et nous aussi, on veut donner cette chance. On veut vous donner cette chance. Pour nous, c'est également un très bel échange. Comme on donne la chance à nos cuisiniers, ils n'ont pas besoin de sortir des grandes maisons, des petites maisons. Nous, on est ouverts. Du moment qu'il y a l'envie et la passion,

Laurent
tout est possible. Et le savoir-faire.

Gilles Reinhardt
Et le savoir-faire.

Laurent
Justement, alors... On dit souvent, et j'aime dire cette phrase, qu'une collaboration commence toujours par une belle rencontre. Et cette rencontre, comme tu l'as dit, elle s'est faite lors du 20e gala de la Fondation Paul Bocuse. Est-ce que tu peux juste m'expliquer concrètement la mission de la Fondation Paul Bocuse ?

Gilles Reinhardt Aujourd'hui, la Fondation, c'est de promouvoir nos métiers, nos métiers de la salle, de la cuisine, à travers des ateliers, à donner vocation à... à des jeunes, moins jeunes, des gens en situation de handicap ou en échec scolaire. Et ça, c'est, comme je te disais avant, la transmission, c'est une des valeurs fortes du groupe Bocuse. Laurent
Alors pour revenir à notre rencontre, c'était donc le 15 octobre. Pour que ceux qui nous écoutent comprennent, il y a eu un accompagnement au 20ème gala de la Fondation. Ça s'est fait assez rapidement et concrètement, Hexagone a pu amener pour la première partie en extérieur des bras zéros bas pour le côté torche et puis des bras zéros classiques pour le côté manche-debout aussi. Avant que les convives rentrent et dînent, tu es venu me voir, on ne se connaissait pas. tu m'as fait une ou deux blagues et puis et puis on a senti tout de suite chacun notre manière qu'il y avait quelque chose à faire et le lendemain on s'est revu au moment où j'étais venu avec un collègue pour pour récupérer les bras zéro Et puis, on a tout de suite compris, je pense, tu vas nous le dire, mais qu'il y avait quelque chose à faire au-delà de juste prêter ou donner ou placer un brasero hexagone à l'auberge.

Gilles Reinhardt
Bien sûr, c'est vrai, on s'est rencontrés au coin du feu. Et voilà, comme je te disais avant, ça a tout de suite matché. Et voilà, et si nous, on fait les choses aujourd'hui avec la marque Bocuse. si on veut créer des collections c'est pas simplement pour faire c'est qu'il faut qu'il y ait une belle histoire qui ait un fil conducteur et vous par votre savoir-faire comme nous on avait quelque chose vraiment à créer et vous avez été aussi très bon il faut le dire parce que vous avez Vous avez tout de suite développé des choses. On n'a pas perdu de temps, entre guillemets. Tout est allé, comme tu l'as dit, très très vite.

Laurent
65 jours, c'est-à-dire du 15 octobre et le 19 décembre, tu es venu dans notre showroom avec Amal Morel et avec Clara, qui gère la partie communication. Donc en 65 jours, on est passé d'une belle rencontre autour du feu à trois bras zéros. Deux couleurs, signé Paul Bocuse. C'est quand même extraordinaire comme aventure et je profite de ce format-là pour te remercier, ainsi que toutes les autres personnes, toutes les équipes qui ont travaillé sur ce projet-là. Le lancement se fait aujourd'hui d'ailleurs, aujourd'hui 14 février, sur les réseaux sociaux. Et l'ouverture de la saison sera donc la première quinzaine du mois de mars. C'est quand même extraordinaire pour nous. Même si ça paraît fluide et que l'histoire est belle, mais il est vrai qu'en tant que Lyonnais, je suis né à Place Carnot, donc je suis vrai Lyonnais, je n'aurais pas pensé pouvoir aussi rapidement, en tout cas être aussi proche de l'univers Bocuse. Donc c'est un honneur pour nous, pour toutes les équipes, c'était un vrai challenge. On a réussi déjà cette première étape, maintenant il ne reste plus que la deuxième partie qui est la plus compliquée, mais en même temps la plus... jouissive, c'est de faire découvrir ces produits dans le monde entier.

Gilles Reinhardt
Bien sûr, bien sûr, mais l'histoire est belle, maintenant il faut qu'elle continue à s'inscrire dans le temps, mais ce que vous avez développé, et ce que vous nous avez proposé, c'est juste, c'est des très beaux braseros, c'est un objet d'art, ça tient une place importante autour de la piscine, dans un jardin, et... Et une fois de plus, c'est beau parce que c'est également aux couleurs de la maison, aux couleurs de M. Paul, des couleurs qui sont l'identité.

Laurent
Il y a trois couleurs, avec trois noms différents, trois noms latins. Là aussi, c'était une volonté de côté intemporel, prestige. On a le modèle Silva, qui veut dire forêt, donc qui est plutôt un verre, un verre d'eau. Le modèle Terra. terracotta, la terre, et oreus, qui est le côté doré, en or.

Gilles Reinhardt
C'est les couleurs qu'on peut retrouver sur la façade du restaurant. C'est aussi avec ces couleurs que les gens s'identifient. On va chez Bocuse, ils ont tout de suite cette maison colorée en bord de Saône.

Laurent
C'est iconique.

Gilles Reinhardt
Et c'est iconique. Donc c'est des marqueurs qui sont forts pour la ville, pour la France, et pour les gens qui viennent du monde entier.

Laurent
Le braséro, c'est aussi, là encore, une cuisine autour du partage. Bien sûr. Clairement dans les valeurs de Paul Bocuse et de l'héritage.

Gilles Reinhardt
Exactement, il n'y a pas de fumée sans feu. Il y a un fil conducteur. Comme je te disais, on ne va pas vendre demain des bouquets de fleurs. Parce qu'il faut qu'on puisse raconter derrière tout ça, qu'on puisse raconter une belle histoire. Et oui, le bras zéro, comme tu disais, se démocratie, j'ai envie de dire. Et c'est sympa à partager au coin du feu.

Laurent Un moment convivial. Gilles Reinhardt
Un moment convivial autour d'une brochette, autour d'une création. Mais toujours avoir aussi une allure, et c'est ça qui est intéressant chez Hexagone, un bras zéro, mais qui est aussi une pièce maîtresse esthétiquement de l'extérieur.

Laurent
Ce que je disais avant, c'est une pièce maîtresse. Ça fait partie d'un objet de décoration dans un jardin. L'axe de communication. par rapport à ce magnifique projet, c'est l'éveil des sens. L'éveil des sens, c'est aussi une notion qu'on retrouve dans les langages de communication chez Bocuse.

Gilles Reinhardt
Et c'est ramener aussi une part de Bocuse à la maison. Avec cette belle signature.

Laurent
Une tranche de bocuse.

Gilles Reinhardt
Et en plus, il me semble qu'ils sont numérotés.

Laurent
Exactement. C'est avec une plaque en laiton qui se trouve sur le pied du bras zéro avec un numéro de série.

Gilles Reinhardt
Et c'est le côté exclusif.

Laurent
Exactement. Made in France, made in Lyon. Et du coup, Gilles, tu vas être ambassadeur de ces bras zéro-là. Donc là, pareil, il va y avoir une image à porter. Alors, tu as l'habitude.

Gilles Reinhardt
Bien sûr.

Laurent
J'ai entendu dire aussi que tu allais peut-être développer une recette par couleur.

Gilles Reinhardt
Oui, bien sûr. Tout est… On ne peut pas trop non plus tout dévoiler.

Laurent
Non, non, non.

Gilles Reinhardt
Mais oui, bien sûr, on va faire une recette qui corresponde à chaque brasero. Après, attention, si c'est trop cuit ou si c'est brûlé, moi, je n'ai pas toutes les…

Laurent
Tu n'es pas responsable. Alors, pour cette dernière partie, c'est des questions qui ne sont pas forcément dans l'ordre, mais je trouve… intéressant de te les poser. Ça fait plus de 25 ans que tu es ici. Est-ce que ça signifie que tu termineras à Collonges ?

Gilles Reinhardt
J'espère, j'espère, bien sûr. Après, ce n'est pas prévu à l'heure du jour que je parte. Et puis, pourquoi je partirais ? En fait, tu sais, nous, on est piqués, on est piqués, Bocuse.

Laurent
C'est un famille maintenant.

Gilles Reinhardt
C'est notre vie, bien sûr. Bien sûr, on peut appeler ça... Sans problème la famille, parce qu'on a passé plus de temps au travail avec nos collaborateurs qu'à la maison à titre privé. Et oui, on le revendique, Bocuse, c'est une grande famille.

Laurent
Qu'est-ce qui différencie un bon plat d'un plat exceptionnel ?

Gilles Reinhardt
Les émotions. Les émotions, la profondeur des sauces, la cuisson.

Laurent
L'esthétique de l'assiette ?

Gilles Reinhardt
L'esthétique aussi, mais tu sais, moi, quand j'ai des souvenirs d'enfance, je ne vois pas visuellement le plat. Par contre, j'ai des souvenirs au niveau gustatif. Et aujourd'hui, c'est ça, les gens qui retiennent. Nous, quand tu as des personnes qui viennent et qui disent « Ah, ça me fait penser à tel et tel plat, ma grand-mère me cuisinait la sauce. » Donc, ça passe par des émotions.

Laurent
Si tu ne pouvais cuisiner qu'un seul plat pour le restant de tes jours, ça serait lequel ?

Gilles Reinhardt
Ça, c'est pas une question facile parce que je suis quand même assez gourmand. Mais moi, tu sais, tu me fais un...

Laurent
Tu peux mixer deux, trois plats si tu veux.

Gilles Reinhardt
Tu me fais un poulet, frites, salade. Voilà, il n'y a pas besoin de...

Laurent
Pas besoin de plus

Gilles Reinhardt
Non, pas besoin de plus.

Laurent
Pour ceux qui aiment cuisiner, qui sont jeunes, tu leur dis quoi ?

Gilles Reinhardt
À force de travail et d'ambition, on arrive à ses rêves, même les plus fous. J'ai envie de leur dire ça, c'est qu'il faut croire en soi, mais il faut travailler aussi beaucoup. Je dis souvent à nos jeunes, nos cuisiniers, écoute, commence, fais déjà 10 ans de cuisine, et après on pourra commencer à parler de cuisine. Parce qu'aujourd'hui, il faut faire attention de ne pas se brûler les ailes. Alors, ça peut passer par les réseaux sociaux, la télé. On n'apprend pas à cuisiner en trois mois. Et c'est ça, travailler et ne pas brûler les étapes. Voilà, ça, c'est le seul message. Après, je ne suis pas une science infuse, mais c'est comment moi, je ressens les choses.

Laurent
Quel est l'ustensile de cuisine dont tu ne pourrais jamais te passer ?

Gilles Reinhardt
Justement, le style de cuisine, c'est le couteau. C'est le couteau de qualité pour respecter le produit, pour avoir une coupe franche. Voilà, c'est ce qui nous identifie aussi, ce qui identifie le cuisinier, c'est ses couteaux.

Laurent
Gilles, pour arriver à un tel niveau d'excellence, est-ce que tu es un éternel insatisfait ?

Gilles Reinhardt
Oui, oui, oui, je suis un éternel satisfait, mais ça, c'est le problème pour notre métier. Mais les gens, voilà, alors ce qu'il faut aussi, c'est garder les pieds sur terre et à un moment... savoir la chance qu'on a de tout ce qu'on possède. Mais au-delà de... C'est toujours la réflexion dans la cuisine. Est-ce qu'on peut améliorer le plat ? Qu'est-ce qui manque encore pour le rendre exceptionnel, même si ça reste déjà très bon ? Ce n'est pas s'endormir sur des acquis. Mais ça, je pense que c'est le... La qualité ou le défaut de tous les cuisiniers et tous les gens qui tendent à l'excellence.

Laurent
Alors pour moi, c'est mon avis personnel, mais l'excellence, elle est atteinte par des gens qui ont une forte sensibilité, même au sens créatif du terme. Si tu n'étais pas chef et ni dans la cuisine de manière générale, dans quel domaine tu pourrais travailler ?

Gilles Reinhardt
Peut-être, alors c'est complètement deux choses différentes. C'est soit... Un métier manuel, ça peut être soit dans le bois ou dehors, paysagiste, où il y a aussi des parties de création. Peut-être dans le médical aussi.

Laurent
Dans le médical.

Gilles Reinhardt
Peut-être. Comme nous, souvent, le cuisine est devenu de plus en plus tarifié. Mais ce que je dis souvent, nous, on ne sauve pas des vies. On fait juste à manger. Donc c'est des métiers qui m'auraient peut-être certainement plu.

Laurent
Quelles sont tes ambitions pour demain ?

Gilles Reinhardt
Mes ambitions pour demain, les mêmes que hier ou avant-hier, c'est de se faire plaisir au travail. et continuer à maintenir cette maison d'excellence au plus haut niveau. Voilà, en soi, c'est assez simple.

Laurent
Oui. Merci Gilles pour ce moment de qualité dans ce lieu incroyable. où franchement j'étais comme suspendu dans le temps.

Gilles Reinhardt
Merci Laurent de cette invitation et j'y vais parce que les braises sont à point, il faut que j'aille mettre la côte de bœuf en cuisson.

Laurent
C'est le moment. A très bientôt Gilles.

Gilles Reinhardt
A bientôt, merci.